« Il s’est levé et m’a laissé seul dans la pièce, les nerfs à cran, jusqu’à ce que son épouse vienne me chercher.

"Je ne saurai comment vous remercier, vous et votre mari."

« Je m’adressais à une dame dans la quarantaine, traits harmonieux, des cheveux lisses qu’elle portait en chignon.

"Oh! Ne vous en faites pas pour ça. Nous faisons notre boulot."

« Je ne trouvais rien à dire, alors elle a dit:

"Rien ne vous oblige à faire la conversation. Je comprends très bien si vous ne voulez pas parler.

— Merci."

« Je n’étais effectivement pas d’humeur. Mais quelque chose me triturait l’esprit:

" Est-ce que M. Recker est déjà parti à Bruxelles?

— Oui. Il sera de retour demain matin.

— Et si la police le devance?

— Qu’est-ce que ça change? Vous êtes sauf, libre et à l’abri. Que demander de plus? Vous devriez aller dormir maintenant, il est tard. Demain est une longue journée. Le Dr Kustel vous recevra à dix heures.

— Dr Kustel?

— Oui, le médecin responsable des évaluations médicales. Le protocole exige que vous passiez quelques examens. Rien de très incommodant, ne vous inquiétez pas. C’est juste que nous tenons à garder un certain standing à Haupthof.

— Haupthof? Je ne vous suis pas très bien.

— Haupthof est le nom de la propriété que je gère avec mon mari. Votre ultime demeure, à condition que vous passiez les tests, c’est entendu. Ici ce n’est qu’un arrangement provisoire, mais vous verrez, Haupthof est un lieu magnifique, vous y serez très bien."

« L’arrangement provisoire était une maison de maître, trois étages parquetés à haut plafond, une odeur d’encaustique — jamais je n’avais vu autant de boiseries réunies. Une odeur de bois et de térébenthine envahissait également ma chambre.

« Avant d’aller dormir, j’ai ouvert la fenêtre pour aérer. Dehors, la rue était silencieuse. Des voitures en stationnement et des maisonnées en béton, sans vie. Rien qui aurait pu m’aider à combler le vide que je ressentais. Je n’avais jamais vu cette rue, pourtant j’avais l’impression de l’avoir vue des millions de fois, comme si j’y avais grandi.