« Pardon? Non, je n’ai pas fini. Je sais que le quart d’heure est terminé. Ouais, et quoi? Du fric? Ça va, mais ne m’interromps plus. Tu compromets notre mission, tu comprends? Bien, maintenant si tu veux bien laisse-moi continuer. »

« Après t’avoir tuée, je savais que je n’irai pas me rendre à la police. Je n’ai jamais cru en la justice des hommes. Forcer le coffre de l’appartement n’était pas difficile: le code était composé des mêmes chiffres que la date de ton anniversaire. Une fois ouvert, le vider était chose encore plus facile. J’avais maintenant une somme considérable dans les mains. J’aurais pu prendre le large vers des pays exotiques, mais l’idée d’un exil forcé me répugnait. Je suis resté terré dans l’appartement pendant quarante-huit heures. De jour j’évitais les fenêtres, de nuit je dormais près de ton cadavre, réfléchissant à une solution. Le frigo était fourni, mais ta mère commençait à te chercher, laissant des messages alarmés sur le répondeur. Le temps pressait — même le lait avait tourné. Finalement j’ai appelé M. Gouvernement. Il m’a dit qu’il connaissait quelqu’un susceptible de m’aider. Il m’a refilé un numéro de téléphone en Allemagne. J’ai appelé le type qui a dit s’appeler M. Recker. On s’est mis d’accord pour se retrouver à Francfort.

« Il faisait froid à l’aéroport. Sur un escalator interminable je laissais des voyageurs pressés me dépasser. J’observais la jungle d’aéroplanes, des carcasses de cargos qui me faisaient penser à un cimetière d’éléphants. J’ai pris un taxi jusqu’à l’hôtel que M. Recker m’avait indiqué au téléphone. Une chambre y était réservée à mon nom.

« J’ai pris une douche dans la salle de bains spacieuse; les serviettes étaient pliées de manière à mettre en évidence le logo de l’hôtel; une odeur de déodorant désinfectant, pas très différente de celle que je respire en ce moment dans ta chambre de pute. Un panier de chocolats reposait sur la table de chevet, j’y ai trouvé un mot de bienvenue, rédigé en anglais, signé Recker.